Le sionisme et ses tragiques contradictions

Research output: Contribution to journalArticlepeer-review

Abstract

Selon l’idéologie d’État et les normes constitutionnelles légales d’Israël, toute personne qui peut faire la preuve d’un lien, fût-il le plus ténu, avec l’histoire et la tradition juives, peu importe où et quand elle est née, possède sur mon pays natal des droits supérieurs aux miens, en dépit du fait que ma famille y habite depuis plusieurs centaines d’années. Selon cette idéologie, du fait qu’elle est née juive, cette personne possède un lien virtuel éternel avec le pays, et le lien que j’ai avec la terre qui m’entoure ne vaut pas la même chose, car je n’appartiens pas au « peuple élu ». Cette priorité des Juifs sur les non-Juifs, quand bien même ils sont citoyens d’un même État, ne relève pas seulement de l’idéologie hégémonique : elle représente aussi la pratique dominante dans tous les aspects de la vie en Israël, depuis qu’il existe. Cette priorité est énoncée sans nuances, par le truchement d’un discours nationaliste romantique, et elle est systématiquement mise en œuvre à l’aide des techniques et ressources gouvernementales les plus sophistiquées. C’est là l’une des caractéristiques principales – et peut-être la principale tout court – du sionisme, lequel est une idéologie systématique et un mouvement politique nanti d’un appareil étatique qui l’applique. Dès lors, rien d’étonnant si la vie juive ne cesse de prospérer dans les villes, les territoires urbains et communautaires en Israël, tandis que celle des Arabes palestiniens des villes arabes ne fait que dégénérer. Il suffit de comparer la ville juive de Carmel, créée dans les années 1960 et les villages environnants de Majd Al-Kuroum, Deer Al-Asad et Bieneh, qui existent depuis des centaines d’années, et de comparer la ville juive du Haut-Nazareth et le Nazareth arabe en matière d’infrastructures, de zones industrielles, de planification, d’enseignement scolaire, de services de santé et de loisir, pour comprendre que les profonds abîmes qui séparent les deux parties de la même ville ne sont pas le résultat d’un accident ou d’un aveuglement de la politique publique. Les politiques nationales peuvent certes fluctuer, être contrariées pour quelque temps dans un domaine ou dans l’autre. Mais quand elles sont constamment et systématiquement orientées de façon à faciliter l’expansion et la supériorité d’un groupe ethnique national, en raison d’une idéologie sophistiquée et solidement justifiée, et à en exclure un autre, définitivement identifié comme un « problème de sécurité et de démographie », nul ne peut rester indifférent ou naïf. Quand une communauté est éduquée pour se sentir « chez elle », tandis que l’autre est décrite comme étrangère, extérieure, intrusive, il faut se poser des questions et trouver des réponses.
Original languageFrench
Pages (from-to)83-113
Journal Cités
StatePublished - 2011

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